Les Chroniques de Sorensen

Le pire fléau de l'humanité n'est pas l'ignorance mais le refus de savoir

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Déflation : Un « quantitative easing » européen est-il possible ?

Publié par tedsorensen28 le 4 août 2014
Publié dans: Articles. Tagué : bce, commission, crise, deflation, draghi, hollande, merkel, zone euro. Poster un commentaire

zone euro

Les données d’Eurostat viennent de tomber : l’inflation est descendue à 0,4% au mois de juillet après 0,5% en juin. Cela ne veut pas encore dire que les prix baissent. Ils augmentent simplement beaucoup moins vite qu’ils ne devraient : la BCE ayant pour objectif de maintenir une hausse à 2% en rythme annuel.

Mais pourquoi lutter contre une baisse des prix ? A priori, la déflation pourrait avoir l’air d’une aubaine (qui n’a pas rêvé de voir les prix diminuer ?), mais elle présente en réalité des risques macroéconomiques majeurs. Ce phénomène, souvent associé au Japon qui la combat depuis 20 ans, est très handicapant puisqu’il paralyse les consommateurs. Face à des prix en baisse continuelle, ces derniers reportent en effet sans cesse leurs achats pour payer toujours moins cher.

Pour s’adapter, les entreprises produisent moins et baissent encore plus leurs prix, puis réduisent les salaires ou licencient. Ce qui pèse alors encore plus sur la consommation et les investissements. Un véritable cercle vicieux.

Nous ne sommes donc pas encore dans une situation de baisse des prix généralisée. Néanmoins, la BCE a sorti un arsenal économique en juin visant à restaurer la confiance des agents économiques de façon à faire repartir l’inflation. Malheureusement, la situation économique de la zone euro continuant à se dégrader, il n’y a aucune raison pour que les prix augmentent.

En effet, avec une demande intérieure anémique, des investissements en berne, et le tarissement du crédit, tous les indicateurs économiques tendent à ce que la situation continue de se dégrader.

La BCE, qui a abaissé son principal taux directeur à 0,15% (contre 0,25% auparavant), a également décidé d’encourager les banques à prêter davantage aux agents économiques en faisant des prêts ciblés avec des LTRO pour « Long Term Refinancing Operations », rebaptisés pour l’occasion T-LTRO, pour « targeted ».

Elle avait déjà mis en place deux LTRO en 2011 et 2012 mais seulement pour des rachats de titres souverains. Cette fois, Mario Draghi veut que ces sommes soient directement prêtées aux agents privés. Le programme commencera en septembre pour finir à la fin de l’année pour un montant maximal de 400 milliards d’euros. Cette politique s’inspire directement du « quantitative easing » (assouplissement quantitatif) pratiqué par la Fed et son président Ben Bernanke.

En outre, la BCE a porté en territoire négatif (-0,10%) le taux de dépôt qui rémunère les sommes que les banques placent à court terme dans ses coffres.

Malgré l’annonce de ces mesures, la désinflation se poursuit. Manuel Valls lors du point-presse du séminaire gouvernemental du 1er août dernier s’est publiquement inquiété de la faible inflation. François Hollande lui-même, en marge des commémorations du centenaire du début de la Grande Guerre, s’en est inquiété « Il y a un vrai risque déflationniste en Europe : en France, l’inflation n’a jamais été aussi basse. » On peut d’ailleurs le comprendre, une baisse des prix généralisée entraîne mécaniquement une hausse de la dette publique et un dérapage du déficit budgétaire, avec des recettes de TVA en nette baisse.

Bien que les mesures prises par la BCE soient nouvelles, elles risquent malheureusement de ne pas suffire. On peut donc s’interroger : la BCE doit-elle s’inspirer de la Federal Reserve et pratiquer un vrai « quantitative easing » ? En effet, à la différence de la Fed américaine, lorsque la BCE prête de l’argent aux banques et achète des titres souverains sur le marché secondaire, elle détruit de la monnaie simultanément ; c’est ce qu’on appelle la « stérilisation. » Ce procédé sert à éviter l’expansion monétaire, donc la création d’inflation. Cette politique était principalement réalisée pour éviter de s’opposer à l’Allemagne qui refuse toute tendance inflationniste.

Mais avec le risque de déflation de plus en plus crédible en Europe, accompagné des mesures budgétaires restrictives prises par les Etats, la BCE se retrouvera peut-être dans une situation qu’elle n’aurait pas souhaitée : faire marcher la planche à billets de manière massive ce qui outrepasse son mandat.

Car à la différence de sa consœur outre-Atlantique qui doit œuvrer pour la croissance et pour maintenir l’inflation à un niveau soutenable, la BCE n’a qu’une seule et unique mission, à savoir stabiliser les prix.

Toutefois, l’institution monétaire européenne n’est pas la seule à pouvoir agir. Si une injection monétaire massive de la part de la BCE est pour le moment écartée, les Etats et la Commission Européenne ont encore quelques cartouches.

Avec la Banque Européenne d’Investissement (BEI) par exemple qui peut émettre des prêts massifs aux entreprises ou financer des infrastructures (notamment écologiques) pour relancer la croissance avec un plan européen de 1500 milliards d’euros (un peu plus de 70% du PIB français) qui permettrait une vraie relance et un changement sérieux de politique économique. Car sans réelle lutte contre la récession, il ne servira à rien de lutter contre la déflation.

FN aux Européennes : la faute à la crise ? Aux politiques ? Non, c’est notre faute à nous

Publié par tedsorensen28 le 26 mai 2014
Publié dans: Tribunes. Tagué : crise, europeennes, fn, france, le pen, ue. 1 commentaire

Nous sommes le 26 mai 2014, lendemain de déroute électorale en France. Les résultats de ces élections européennes ont réservé ce que tous les observateurs politiques craignaient : le FN en tête du scrutin, pour la première fois depuis sa création en 1972.

La France, pays fondateur de l’Union Européenne, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, a placé en tête l’extrême droite dans une élection nationale.Certains parlent de séisme. Nous parlerons ici de honte.

Il ne s’agit en rien de ne pas pointer la responsabilité des différents gouvernements depuis 30 ans. Néanmoins, on ne peut systématiquement répéter cet argument, qui est loin d’être le seul, car les Français n’ont pas davantage de raisons de voter à l’extrême-droite que les autres peuples.

Qu’est-ce qui met les jeunes et les ouvriers en colère ?

On apprend que deux strates de la société ont plus voté pour le FN que pour les autres partis : les ouvriers et les jeunes (18-24 ans).

Quelle leçon tirer de cette situation ?

La désindustrialisation ? Elle est un processus qui touche TOUS les pays occidentaux, y compris l’Allemagne, sachant que nous sommes plus productifs qu’eux.

Les jeunes délaissés, sans espoir ? Le budget de l’éducation nationale n’a jamais été aussi important. De plus, les contrats de génération, les emplois francs et les emplois d’avenir, même s’ils fonctionnent moyennement, ont été créés spécialement pour eux.

Scoop : la France ne marche pas plus mal que ses voisins

L’État social existe donc. Et contrairement à ce que certains semblent penser, les critiques des milieux économiques contre notre pays viennent d’abord du fait que les gouvernements successifs ont toujours refusé de le démanteler en n’adoptant pas ces fameuses réformes structurelles magiques défendues par la Commission Européenne.

Il est donc imparfait, parfois bancal, mais c’est un fait : notre État fonctionne normalement.

Car malgré tout, si les choses ne vont pas bien, cela peut aussi venir de nous. Oui, les politiques se trompent, nous trompent, nous mentent etc… Il paraîtrait donc que nous sommes déçus. Mais personne n’a-t-il jamais été déçu par lui-même ? Par sa famille ? Par ses amis ?

Sur la question du chômage, les mêmes problèmes sont pointés depuis des années. Pour autant, la France n’est pas le pays européen avec le taux de chômage le plus élevé, loin de là. Le taux de chômage en zone euro est de 12%, celui de la France est à 9,8%, donc mieux que la moyenne. Seuls l’Allemagne, l’Autriche, le Benelux et le Danemark font mieux.

Autre indicateur, la croissance économique. La France, malgré sa croissance plutôt lente, n’est pas entrée en récession sur une année entière depuis 2008 et 2009, au contraire de la Finlande et des Pays-Bas, pourtant toujours notés AAA.

Les Français sont majoritairement favorables à l’euro

Comme le FN propose la sortie de l’euro, peut-être que les Français ont voté en ce sens pour une désaffection envers cette monnaie. Problème, ils y sont majoritairement favorables.

Le FN raconte depuis 15 ans que l’introduction de la monnaie unique, jugée trop forte, a coïncidé avec les problèmes de notre économie. Pourtant, savez-vous que la France a un excédent commercial avec la majorité des pays du monde (comme avec le Royaume-Uni) ? Et que notre déficit commercial est en grande partie interne à la zone euro (la balance commerciale est quasiment à l’équilibre sans la facture énergétique) ?

L’économie ne peut suffire à expliquer ce vote

Donc oui nous avons des problèmes économiques, mais quel pays n’en a pas ? Aucun pays européen n’est épargné par la crise. Pas même l’Allemagne, mais si elle s’en sort mieux que les autres et que son industrie est plus solide.

Et il n’est pas anodin de rappeler que les problèmes économiques ne font pas tout : l’Autriche, pays pourtant en situation de plein emploi, connaît une forte poussée de l’extrême-droite dans ce même scrutin européen…

Qu’est-ce qui ne fonctionne donc pas dans notre pays ? Quelle est la raison qui a poussé les gens à voter en masse pour le FN ? Pourquoi les Français sont-ils plus pessimistes que les Irakiens ou les Afghans ? Car malgré cela, ils se déclarent personnellement heureux et affichent un taux de natalité supérieur à la plupart des pays d’Europe grâce à des programmes de gouvernement encourageant les naissances et facilitant l’existence des mères actives.

Les Français attendent le Messie, pas la vérité

Il y a donc un bug dans notre société, qui pour le coup est spécifique à notre pays remplit de contradictions.

Dans un moment d’honnêteté, l’ancien Premier ministre Lionel Jospin déclara naguère qu’ »il ne faut pas tout attendre de l’État. » Ses propos furent vilipendés comme jamais. Pourquoi un tel massacre, pour des mots peut-être maladroits, mais somme toute pertinents ?

Parce que les Français, à la différence des autres, ont un problème avec la vérité. Ils refusent sans doute de voir le monde tel qu’il est en attendant l’arrivée d’un messie qui réglerait tous nos problèmes. Messie que Marine Le Pen, justement, prétend être…

Malgré tout, comment a-t-on atteint un tel niveau de défiance envers la classe politique et envers nous-mêmes (les Français font partie de ceux qui se déclarent le plus ouvertement racistes en Occident) ?

Et maintenant, nous voici la honte de l’Europe

Pour la classe politique on répétera que les affaires rendent le climat politique détestable. Mais une République exemplaire n’est pas une République sans affaires. Cela n’existe pas. C’est une République où on ne parvient pas à cacher les affaires.

La honte de la France ne vient pas de la classe politique. Elle vient de nous, Français, qui avons trahi l’enseignement de nos pères. Nous sommes devenus la honte de notre continent, qui nous regarde avec des yeux écarquillés.

Le FN est en tête ? C’est de notre faute.

 

Tribune publiée sur le site du Nouvel Observateur

 

Fair Play Financier : La dictature de l’urgence

Publié par tedsorensen28 le 23 mai 2014
Publié dans: Articles. Tagué : europe, finance, foot, FPF, man city, platini, PSG, uefa. Poster un commentaire

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Il ne s’agit évidemment pas de cautionner les comportements économiques de Manchester City ou du Paris Saint-Germain, qui contribuent plus que d’autres au gonflement de la bulle spéculative liée aux transferts. Néanmoins, les décisions qui viennent d’être rendues dans le cadre du Fair Play Financier (FPF) peuvent interroger.

En effet, qu’il s’agisse du timing ou de la dureté des sanctions l’UEFA, à travers l’Instance de Contrôle Financier des Clubs (ICFC), n’y est pas allée de main morte. Malgré tout, on peut se demander pourquoi seulement 9 clubs (pour la plupart de moindre envergure) ont été épinglés alors que de nombreuses autres écuries européennes ne respectaient pas « les critères de convergence » que les clubs ont accepté de mettre en place.

Mis en place en 2011, le FPF voulu par le président de l’UEFA Michel Platini,  n’était pas inconnu des nouveaux riches que sont le PSG ou Manchester City, dans la mesure où leurs propriétaires respectifs les ont acquis avant l’entrée en vigueur du dispositif. On peut donc considérer comme spécieux voire vexatoire l’argument utilisé selon lequel il serait utilisé pour protéger certains grands clubs, alors que des institutions comme le Milan, la Juventus de Turin, le Borussia Dortmund, ou en France l’Olympique Lyonnais et l’Olympique de Marseille font de gros efforts pour ne pas se faire prendre par l’ICFC.

Revenons au fond du problème. Quelles sont les règles du FPF ? Les clubs ne doivent pas vivre au-dessus de leurs moyens. L’UEFA a quand même laissé un peu de temps aux clubs pour se mettre en conformité avec les règles des FPF, en autorisant une perte d’exploitation plafonnée à 45 millions d’euros, pour les saisons 2013/2014 et 2014/2015  (30 millions pour les deux suivantes). Le processus d’assainissement est donc progressif.

Il convient toutefois de rappeler que le déficit des clubs s’est réduit en 2013 après des années de hausse discontinue, même s’il est encore de 1,1 milliard d’euros et que 55% des clubs européens déclarent toujours des pertes nettes, alors que  dans le même temps, des clubs comme Manchester United ou le Real Madrid continuent de faire des profits.

Le cas du PSG est autrement plus complexe. Dans sa note, l’ICFC explique que le contrat de partenariat que le club de la capitale a signé avec l’Office du Tourisme du Qatar (QTA) a été largement surévalué ce qui gonfle les revenus du club, dans la mesure où le même contrat a été signé avec Manchester City pour un montant plus de 10 fois inférieur. Le contrat a donc été diminué, passant de 200 millions d’euros à 100 millions annuels, tout en rappelant qu’elle valide le caractère novateur de « contrat d’image. »

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Dans ce cadre, la perte annuelle du club a explosé, d’où la sanction dont on peut discuter la proportion par rapport aux faits reprochés. Surtout que les clubs sanctionnés (Man City, PSG, Zénith St-Petersbourg ou Anzhi Makhatchkala) n’ont pas de difficultés de paiement eu égard à leurs richissimes propriétaires, et ont des dettes quasiment équivalentes à 0.

Tout ça pour expliquer que, même si le FPF est important dans la mesure où il permet d’adopter un comportement vertueux, il ne s’attaque pas au premier problème structurel des clubs européens : la dette. On l’oublie sans doute, mais les difficultés budgétaires des clubs proviennent à l’origine d’un excès d’endettement. Cette dette est responsable de la hausse exponentielle des salaires consécutive à une hausse des montants de transferts.

L’UEFA en voulant aller trop vite a pris des décisions rapides, sans tenir de la situation spécifique de chaque club, comme le montant des dettes des clubs anglais et espagnols qui expliquent à elles seules plus de la moitié de la dette totale des 732 clubs européens de première division !

Car même si les clubs diminuent leurs dépenses et/ou augmentent leurs recettes, le fait que le système comptable en vigueur autorise les clubs à valoriser les contrats des joueurs dans leur bilan ne freinera pas l’endettement voire l’amplifiera, le Bayern Munich et Arsenal étant des exceptions. On risque de continuer à assister à ce que Michel Platini voulait arrêter : les compétitions sportives à deux vitesses.

 

 

Les finances publiques de la France au peigne fin

Publié par tedsorensen28 le 15 mai 2014
Publié dans: Articles. Tagué : bercy, deficit, dettes, finances, PIB, rigueur. Poster un commentaire

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Depuis la signature puis la ratification du traité budgétaire européen (TSCG, pour Traité de Stabilité de Coordination et de Gouvernance) la thématique des finances publiques a pris une place prépondérante dans le paysage politique et médiatique. En effet, cette problématique s’est imposée à nous avec la crise des dettes souveraines de la zone euro qui a vu de nombreux pays faire face à des taux d’intérêts d’emprunts de plus en plus insoutenables. Selon ce contexte, en échange d’une solidarité financière, des mesures d’économies drastiques ont dû être mises en place – leur dureté dépendant de leur exposition à la spéculation sur leurs taux d’emprunts.

Mais de quoi parle-t-on exactement quand on évoque les « finances publiques » ? Des pourcentages sont régulièrement avancés sans que l’on sache précisément ce qu’ils retournent réellement. Pour commencer il faut définir les agrégats économiques importants nécessaires pour comprendre les finances publiques de la France.

Le déficit public, tout d’abord, qui correspond au solde négatif des recettes et des dépenses publiques sur une année, est sans doute la donnée la plus parlante. Il tient compte des données de l’Etat, des collectivités territoriales et de la Sécurité Sociale. Il s’élève fin 2013, à 88 milliards d’euros soit 4,2% du PIB. Il ne doit pas être confondu avec le déficit budgétaire qui ne prend en compte que les données relatives au budget de l’Etat, et qui représente la plus grande part du déficit public. Il s’est élevé fin 2013 à 74,8 milliards d’euros. Le déficit public est le principal critère de convergence des économies de la zone euro – dits « critères de Maastricht », qui doit en théorie être inférieur à 3% du PIB.

La dette publique, quant à elle, correspond au stock de dettes accumulées par l’Etat, collectivités locales et la Sécurité Sociale, qui restent encore à rembourser. Il ne faut pas la confondre avec la dette souveraine qui représente 3/4 de la dette publique mais qui ne concerne que les obligations émises par l’Etat.

La dette publique donc s’élève à un peu plus de 1980 milliards d’euros. Les éditorialistes et les politiques de tous bords ont une capacité à faire dire ce qu’ils veulent aux chiffres, notamment sur ceux qui concernent l’endettement.

Le ratio « dette/PIB », qui fait également partie des critères européens, est régulièrement cité pour illustrer l’endettement de la France qui serait colossal. Avec ce calcul on obtient un stock de dettes qui atteindrait 92% du PIB. En réalité, ce rapport est injuste et absurde d’un point de vue économique. La dette est un stock, ce qui veut dire qu’elle correspond à l’ensemble des emprunts contractés mais qui n’ont pas vocation à être remboursés immédiatement. La dette publique est donc un stock pluriannuel quand le PIB est un flux annuel.

Dans ce cadre, on constate aisément que le ratio « dette/PIB » n’est pas pertinent et qu’il sert simplement à être défavorable et à culpabiliser les Etats. En effet, il signifierait qu’il faille rembourser l’ensemble de la dette immédiatement. Ce qui n’est évidemment – et heureusement – pas le cas.

Pour être intéressant à analyser, on pourrait utiliser les mêmes méthodes que pour les agents privés en mettant la somme des recettes publiques en comparaison avec les intérêts de l’année écoulée.

Pour 2013, avec plus de 1000 milliards d’euros de ressources et environ 180 milliards versés aux créanciers, le ratio tombe à 17%, ce qui est vraiment loin d’être exceptionnel –alors que les banques acceptent généralement 30% pour les particuliers. Par ailleurs, qui n’a pas entendu un politique (ministre ou non) ou un journaliste justifier la politique de rigueur par une soi-disant « dette insoutenable à supporter pour les générations futures » ?

Or, cette affirmation est fausse si ce n’est malhonnête. On fait effectivement comme si la France n’avait que de la dette à « offrir » sans tenir compte des actifs qu’elle possède –route, école, soins médicaux, entreprises publiques etc… Pourtant chez les particuliers, quand un enfant hérite de ses parents, il reçoit le passif, donc les dettes, mais surtout son actif. Il est d’ailleurs taxé dessus. Dans le cas de l’Etat, l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) a chiffré à 6000€ en positif pour chaque nouveau-né. La dette publique n’est donc pas nécessairement un problème en soi.

Concernant l’ensemble des dépenses publiques, il faut raisonner en variation d’une année à l’autre. Avec l’inflation, l’avancement dans la fonction publique, et le vieillissement de la population, les dépenses du pays augmentent de manière mécanique. Pour les réduire, il faut donc « limiter la hausse », de façon à faire diminuer leur part dans le PIB. Le gouvernement Ayrault a fait un pas dans cette direction en faisant passer la hausse de 2% à 0,5% par an, ce qui a déjà permis d’économiser plus de 15 milliards d’euros depuis 2012 –on le rappelle puisque certains le nient.

Les dépenses publiques françaises sont en effet parmi les plus importantes d’Europe -57% du PIB en 2012, ce qui est préjudiciable dans un monde ouvert car le taux de prélèvements obligatoires est corrélé à ce niveau de dépenses. Pour autant, on n’a assisté à aucune « explosion » ces dernières années, comme on l’entend souvent. Entre 2000 et 2012, les dépenses publiques ont augmenté en volume (i.e. une fois l’inflation réduite), de 15% contre 14,8% en Allemagne.

C’est moins que la moyenne de la zone euro (15,3%), deux fois moins qu’aux Etats-Unis (30%) et trois fois moins qu’au Royaume-Uni (47,5%). Et contrairement à la majorité des pays, en France, les deux-tiers de ces dépenses sont constitués de prélèvements effectués pour être immédiatement redistribués aux malades, aux chômeurs, aux retraités, aux familles…

Les Français sont très favorables à la baisse des dépenses publiques mais quand on touche à ce type de dépenses –ne serait-ce qu’en les gelant, les mêmes sont souvent les premiers à monter sur les barricades. Il faut dire que ces dépenses sociales jouent un rôle central dans la cohésion territoriale d’un pays très déséquilibré. Il ne faut donc pas se tromper de cause.

Comme l’avaient établi en 2010 Paul Champsaur et Jean-Philippe Cotis, deux anciens directeurs de l’INSEE, la dérive -bien réelle- de l’endettement public français avant la crise était due avant tout aux baisses de l’imposition des entreprises et des plus aisés. A hauteur de 400 milliards d’euros sur la décennie 2000. C’est l’une des raisons principales pour laquelle il était parfaitement légitime de donner la priorité à la hausse de la fiscalité dans le rétablissement des équilibres budgétaires.

 

En outre, pour le moment, les bons du Trésor français continuent de bénéficier de taux d’intérêt très faibles –parfois négatifs pour les maturités les plus courtes. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire ce n’est qu’en partie dû à la politique restrictive menée par les gouvernements successifs, de Fillon à Ayrault, aujourd’hui Valls.

La France dispose de plusieurs atouts pour les investisseurs, l’épargne des ménages notamment. Avec les Allemands, les Français sont ceux qui ont l’épargne la plus abondante de l’hémisphère occidental, à hauteur de 16% (hors patrimoine immobilier) du revenu disponible ce qui est considérable. C’est une donnée non négligeable car les observateurs financiers savent qu’en cas d’extrêmes difficultés, l’Etat pourrait éventuellement faire appel à elle.

Autre avantage : l’Euro. Contrairement à ce qui se dit régulièrement, la monnaie unique est un privilège incommensurable pour l’économie française. Le fait de partager la même monnaie que les autres économies européennes est un gage de solidarité. Donc de sûreté. Les investisseurs ont conscience que la France n’est pas n’importe quel pays en Europe, ce qui implique qu’aucune institution communautaire ne prendra le risque de laisser la France face à de grosses difficultés budgétaires ou pis, faire défaut sur sa dette.

Comme l’a avancé le prix Nobel d’économie Paul Krugman : « Les marchés savent que la BCE ne laissera jamais la France faire défaut ; sans la France, il n’y a plus d’euro.» La position centrale de l’économie hexagonale justifie cet avantage que ne possèdent pas d’autres pays européens comme l’Espagne, le Portugal ou la Grèce, qui ont pourtant fait des ajustements budgétaires beaucoup plus conséquents.

Il ne s’agit donc pas de nier les difficultés de la France, notamment sur le plan de la compétitivité de son économie dont le positionnement -plus que le coût du travail- pose problème. Non plus sur le montant de sa dette qui a impact direct sur l’économie en général. En effet, comme dit plus haut, une dette et un déficit importants impliquent des prélèvements obligatoires élevés. Et il faut pouvoir reconnaître que des prélèvements trop importants sont préjudiciables dans un monde ouvert, avec la libre circulation des capitaux et des biens.

S’il ne faut pas cacher les difficultés de notre pays, il ne faut pas non plus faire croire que la France serait « l’homme malade de l’Europe » comme les néolibéraux (français ou étrangers) se plaisent à le dire. La France a certes des difficultés, mais malgré des programmes d’austérité nettement moins douloureux que ceux subis par les peuples d’Europe du Sud, elle a quand même réussi depuis 2009 à réduire son déficit public de plus de 5 points de PIB, ce qui correspond à près de 100 milliards d’euros.

Le tout est d’en parler sereinement et sans idéologie, ce que les éminences médiatiques ont décidément du mal à faire quand il s’agit d’économie.

 

L’Ethique de Responsabilité

Publié par tedsorensen28 le 6 mai 2014
Publié dans: Articles. Tagué : assemblee, elysee, hollande, municipales, ps, valls. Poster un commentaire

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Avec la déculottée subie par le PS aux municipales, François Hollande a dû se résigner à faire ce qu’il n’aurait pas souhaité. A savoir limoger Jean-Marc Ayrault pour nommer Manuel Valls à Matignon. L’anniversaire de son élection de Hollande a été marqué par une interview, beaucoup commentée sur RMC face à Jean-Jacques Bourdin. C’était sa première intervention médiatique depuis sa prestation –réussie – lors de la conférence de presse du 14 janvier. Il a pu se confronter pour la première fois à des auditeurs en n’esquivant aucune question. A la suite de cet entretien, le mot d’ordre doit donc être « Au travail ! »

Depuis la nomination de Manuel Valls, ce dernier est sur tous les fronts. Son objectif est simple : faire appliquer le pacte de responsabilité proposé par le Président au début de l’année, et devenir le bouclier du locataire de l’Elysée. C’est lui qui doit s’exposer et prendre les coups à sa place, ce que n’avait pas su faire Jean-Marc Ayrault. De cette façon, il pourra prendre de la hauteur et « partir à la rencontre des Français » comme son équipe se plaît à le répéter.

Et il va en avoir besoin. Le Parti Socialiste qui a un nouveau Premier secrétaire en la personne de Jean- Christophe Cambadélis, est dans une situation de crise identitaire, suite à cette défaite historique aux municipales. Cette claque a été le début d’une fronde parlementaire inédite : le plan de d’économies de 50 milliards du pacte de stabilité qui sera présenté à Bruxelles en fin de semaine a certes été adopté, mais il y a eu 41 abstentions issues des rangs socialistes. Avec ces défections, ce plan n’a été adopté qu’avec une majorité relative, comme Michel Rocard en son temps.

Cet épisode qui va marquer le début du couple exécutif Hollande/Valls, témoigne aussi d’une chose. Quand il était dans l’opposition, le Parti Socialiste n’a pas su travailler sur les idées et sur un réel projet politique. La gauche française, qui traditionnellement manque de culture de gouvernement, ne semble donc pas comprendre l’ampleur de la tâche qui lui a été confiée.

Il ne s’agit pas de se renier, mais de faire face à ses responsabilités. Le plan d’économies présenté est incomplet, et ne suffira probablement pas : il n’y a pas de réformes structurelles, exceptée la réforme territoriale. Le gel des prestations sociales étant une facilité à laquelle les gouvernements aiment recourir, Pierre Mauroy, Alain Juppé et François Fillon l’ont fait à leur époque.

En se comportant comme des enfants gâtés, les députés récalcitrants ont montré une seule image aux Français : ils ne savent pas ou ne veulent pas gouverner. Ce n’est pas une question de conviction, encore une fois. Mais de responsabilité. La fameuse « éthique de responsabilité » de Max Weber, issue de son essai Le Savant et le Politique. En clair, comprendre et faire comprendre que nos actes ont des conséquences et qu’il faut réfléchir avant d’agir. Faire preuve de responsabilité, c’est se dire que même si nous avons des convictions, nous devons regarder au-delà. Ce n’est pas du reniement. Et ça, la gauche a toujours eu du mal à le comprendre.

Car au final,  les Français ne voient qu’une seule chose : un gouvernement et une majorité qui ne savent pas où ils vont ni ce qu’ils font. Ils penseront alors qu’il vaut mieux donner les clés du pouvoir à des gens décidés même si la potion est plus amère.

L’image que donnent les 41 députés abstentionnistes est un désastre. Et c’est ce qu’on va retenir à la fin. Il ne s’agit pas d’être gestionnaire. Il s’agit d’être responsable en se disant qu’on va réussir et que nos efforts seront récompensés. Si toute la majorité tenait ce discours, les Français en seraient peut-être convaincus également. Beaucoup de choses ont été faites, c’est vrai.

On peut le voir en allant faire un tour dans certaines associations, dans certains quartiers, où certains ont eu la chance de trouver quelqu’un à qui parler en ayant un emploi d’avenir, ou la PME du coin qui a besoin de financement et qui trouve rapidement un interlocuteur grâce à la BPI (il y avait avant 480 dispositifs de financement différents !), les profs recrutés, le plafonnement des dépassements d’honoraires, la suppression du droit d’entrée pour l’aide médical d’état pour les étrangers… Ce n’est pas la panacée mais il faut, encore une fois, faire preuve de responsabilité. Il ne s’agit pas d’être libéral ou keynésien.

Mais le Président de la République a également sa part de responsabilité : comment expliquer que Manuel Valls et lui parlent exactement le même langage, mais qu’il y ait un écart de plus de quarante points entre eux dans les sondages, et ce, sans raisons objectives ?

Tout simplement parce que mis à part sur l’international, François Hollande n’a pas encore su incarner sa fonction. A l’extérieur, il ose tout, décide et tranche vite. Il voulait sanctionner par des frappes aériennes les bombardements chimiques faits par le régime syrien, et n’a dû y renoncer que lâché par Cameron et Obama. Au point que les diplomates américains l’ont affublé du surnom « Le Tigre ». Sur la politique nationale, à l’inverse, il parait hésitant et changeant alors qu’il connaît le contexte politique français depuis plus de trente ans.

La réponse est simple : le Président se croit prisonnier. Prisonnier de ses alliances (avec les Verts surtout), prisonnier de sa majorité, et prisonnier de l’opinion. Tantôt il intervient trop, à la Sarkozy, tantôt se replie, à la Chirac. Les Français n’y comprennent plus rien. La Constitution lui confère pourtant plus de pouvoir qu’aucun autre chef d’Etat occidental. Il doit donc faire comprendre aux Français qu’il est le seul et unique chef de la gauche française. François Hollande n’a jamais été aimé le leadership vertical. Mais en ces temps de désamour profond avec les Français, il doit montrer qu’il tient bon la barre.

 

 

 

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